1954-1963 : l'épopée Rizzoli

L’été 54, le rêve en grand

L’été 54, donc. L’équipe n’est pas sans talents, avec Liedholm, Nordahl, Frignani, ou encore le gardien Lorenzo Buffon, grand oncle d’un certain Gianluigi. Mais en bon Rizzoli, Andrea voit les choses en grand et a bien l’intention de se donner les moyens de son ambition. L’un des premiers achats sera celui d’Eduardo Ricagni, pour renforcer le front de l’attaque : oriundo argentin, Ricagni est petit, très vif, excellent dribbleur. Formé au « Tense » et passé par Boca, il était arrivé un an plus tôt dans son pays d’origine, acquis par la Juventus. Mais en froid avec l’icône Giampiero Boniperti, il devient indésirable à Turin et le clan Agnelli accepte facilement de le céder à un rival milanais trop heureux de l’offrande.

Le président ouvre également les cordons de la bourse pour renforcer la défense, avec le recrutement de Cesare Maldini, jeune défenseur de 22 ans mais déjà capitaine de la Triestina pour sa deuxième saison en tant que professionnel. D’une élégance rare, anachroniquement raffiné, il est déjà comparé à Virgilio Maroso, icône du Grande Torino. Formé comme terzino, son potentiel au centre de la défense avait déjà été repéré par le Mister milanais Béla Guttman, entraîneur de la Triestina lorsque le jeune Cesare faisait ses classes dans les catégories inférieures. Il s’épanouit ensuite sous la houlette d’un certain Nereo Rocco lors de sa dernière année dans sa ville natale, et bien que ses démonstrations de style glissent parfois dans l’excès, provoquant des boulettes passées à la postérité sous le nom de « maldinate », son potentiel est incontestable. Si l’histoire hésite un peu sur les chiffres, il est en tout cas certain que Rizzoli a déboursé plus de 30 millions de lires pour s’attacher les services de celui qui mettra sur le banc le capitaine Omero Tognon dès sa première année…

ricagni maldini

Ricagni et Maldini

Grâce aux recrutements de Ricagni, Maldini et quelques autres, la bande à Rizzoli a déjà solidement renforcé une équipe désormais compétitive. Mais cela ne suffit pas au président, qui veut son symbole, son fuoriclasse. Di Stefano, le premier choix, est inatteignable, mais la Coupe du Monde suisse qui se profile va donner à Rizzoli l’occasion de débaucher la perle rare. Hector Puricelli, l’entraîneur adjoint des rossoneri, recommande chaudement Juan « Pepe » Schiaffino, oriundo uruguayen comme lui. Multiple champion national avec Penarol, Schiaffino est surtout l’un des « coupables » du plus grand traumatisme vécu par une nation en Coupe du Monde : en 1950, face au Brésil, c’est lui qui réduit au silence les 200 000 spectateurs du Maracana en marquant le but égalisateur, puis en servant Ghiggia pour celui de la victoire. Quatre ans plus tard, c’est encore en Coupe du Monde que brille le meneur de jeu, éclaboussant de sa classe la demi-finale perdue contre la Hongrie de Puskas, demi-finale qui fut peut être le premier « match du siècle » avant que l’Italie-Allemagne de 1970 ne lui ravisse le titre.

Doté d’une immense intelligence de jeu, il voit tout, avant tout le monde, mieux que tout le monde. Meneur de jeu né, il facilite le jeu, le simplifie, le purifie. Le jeune Arrigo Sacchi, qui le verra pour la première fois à Ferrare à l’âge de 10 ans, restera médusé devant ce joueur qui lui semble avoir « un don d’ubiquité ». En 54, Pepe Schiaffino a 29 ans, et Penarol l’imagine à tort sur la pente descendante. Mimmo Carraro, secondé par Toni Busini et Hector Puricelli, partent pour Hilterfingen, base de la sélection uruguayenne. Contre 53 millions de lires, et avec un contrat de 15 millions annuels, les dirigeants tiennent enfin leur numéro 10, leur fuoriclasse, le successeur de Gunnar Gren. La barre des 10 millions fixée par le cummenda Angelo a été allégrement dépassée, mais les ambitions d’Andrea Rizzoli avaient un prix. Reste à voir si la vérité du terrain donnera raison aux investissements…


Pepe Schiaffino

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