Niels Liedholm, Il Barone

Comme promis il y a quelques semaines, je profite de l’occasion pour faire un focus sur la carrière de coach de Nils Liedholm, surnommé « Il Barone » tant il inspirait la classe et la sobriété.

image

« J’aime le football comme une expression d’intelligence collective, comme l’union de différentes compétences : techniques, physiques et mentales. J’aime l’idée de laisser mon empreinte esthétique au football italien », tels furent les propos du mythique suédois lors de sa reconversion en tant que coach alors qu’un journaliste lui demandait ce qu’il recherchait dans cette nouvelle carrière. Voici qui révèle la philosophie qui animait celui qui deviendra le mentor de Carletto dont il avoue lui-même s’en inspirer sans cesse.

Cet élégant numéro 10, alliant qualités athlétiques, techniques, vista et pureté du jeu de passe raccrocha les crampons en 1961, à l’âge de 39 ans, après 12 ans de bons et loyaux services où il n’aura eu de cesse d’illuminer les yeux de tout San Siro par sa classe naturelle qui transpirait de tous les pores de sa peau jusqu’à son jeu :heart_eyes:
Aussitôt, dans l’optique de faire ses classes avant de prendre le poste, lui qui était un perfectionniste bourreau de travail, il apprit le métier très humblement en devenant l’adjoint de Nereo Rocco comme pour un passage de témoin progressif. Il fit donc son apprentissage aux côtés du mythique coach italien jusqu’en 1964 où il prit en charge l’équipe première, peu après l’acquisition de la première C1 du club et même simplement d’un club italien en 1963.
Son premier exercice seul à la tête de l’équipe est plutôt un succès en ayant longuement tenu le leadership du championnat juste avant de lâcher de peu dans les dernières encablures pour finir tout juste derrière l’Inter de Helenio Herrera alors championne d’Europe.
La saison suivante, après une décevante 7ème place au championnat révélant ses carences en terme de gestion du groupe et de ses méthodes d’entraînement, il sera viré au terme de cette saison 1965-1966.

Perfectionniste et exigeant envers lui-même, c’est alors qu’il a décidé de rebondir en division inférieure à l’Hellas Verone pour parfaire son apprentissage, peaufiner son travail tactique et chercher le meilleur moyen de transmettre l’identité de jeu qu’il souhaitait tant mettre en place.
Avec son flegme se transmettant au groupe, son charisme lui conférant une autorité sans jamais hausser le ton et son travail acharné, il parvint successivement: à faire remonter dans l’élite le Hellas Verone, sauver d’une relégation certaine Monza et faire monter ensuite Varese dans l’élite aussi.

Après un passage à la Fiorentina, il achève son processus personnel de formation pour atterrir pour une 1ère fois à la Roma durant 4 années où il commencera vraiment imprimer sa marque, son identité de jeu en devenant le premier coach de la Botte à abolir le marquage individuel pour passer à la défense en zone, ce non sans difficultés dans un championnat aussi attaché à ses principes et des joueurs très réticents au changement mais il a su prendre son mal en patience et persévérer tant il croyait en ses convictions.
Il avait pour principe: « Un bon entraînement vous apprend à gagner le ballon sans commettre de fautes, ce qui est beaucoup plus difficile. Il est trop facile d’arrêter un joueur en le salissant ». Voila qui en dit long sur le fait qu’il aimait le jeu propre.
Sa gestion du groupe, sa méthode de coaching et son charisme ont fait leur chemin durant son expérience romaine où le groupe le suivait corps et âme, jusqu’au point de le suivre dans tous les rituels de ce superstitieux à l’excès. Par exemple: avant chaque saison, les joueurs devaient aller faire un pèlerinage en montagne pour aller consulter un astrologue en qui il avait confiance; avant les matchs, il étalait soigneusement chaque maillot de chaque joueur sur le banc avant de le leur remettre; etc…
Pour l’anecdote, une fois, Vierchowod, sans penser à mal, prit lui même son maillot sur le banc, le rituel étant rompu, le charismatique suédois le regarda d’un regard sombre et intense qui poussa le défenseur à s’excuser et à ne jamais refaire cela.
En outre, lui qui avait peur de l’avion, l’équipe devait supporter des heures et des heures de transport en train pour les déplacements d’avant-match mais jamais cela n’a provoqué la moindre frustration chez ses joueurs qui le respectaient trop pour lui en vouloir.
Sur le plan humain, il alternait entre travail intense et moments de détente avant les matchs en usant de son humour toujours raffiné pour casser l’extrême pression qui pouvait reposer sur ses joueurs.
D’autre part, c’était un coach qui restait calme en toute circonstance et ne gueulait jamais sur ses joueurs, n’ayant pas besoin de cela de toute manière pour se faire écouter mais aussi pour la raison suivante qu’il avait exposée à Ancelotti et que ce dernier commente: « Il a eu une énorme influence sur moi. Toujours calme, il m’appris que rien ne sert d’hurler à la mi-temps car tu as seulement trois minutes pour donner les consignes».

Suite à cette première longue expérience romaine, il revint à ses premiers amours, le Milan AC en 1977. Du haut de son expérience acquise et désormais en temps que coach aguerri, il est l’homme du 10ème Scudetto en 1979 à qui nous devons notre étoile présente à jamais sur notre beau maillot :heart_eyes:
Malheureusement, Dino Viola ayant racheté la Roma au terme de cette saison avec pour ferme intention d’établir un projet gravitant totalement autour du coach suédois, ce dernier se laissa séduire par cette importante proposition pour repartir pour une 2ème aventure romaine, celle qui sera l’apogée de la Roma et de Liedholm.

Durant 5 saisons à la Roma, il a révélé toute la beauté et la réussite de sa philosophie de jeu au travers d’un schéma en 1-3-3-3 avec pour équipe type:

Tancredi

Di Bartolomei
(ex milieu avec une bonne vista mais manquant de mobilité, il le reconvertit en libero chargé de remonter le ballon et contrôler la relance)

Nela- Vierchowod (en stoppeur)- Maldera

Ancelotti- Falcao (le brésilien étant le maître à jouer)- Prohaska

Conti- Pruzzo- Iorio

Avec la défense en zone, un jeu basé sur la possession de balle et les déplacements/combinaisons et un rythme pas forcément rapide mais totalement dicté par sa Roma, il remporte le Scudetto 1983, 3 Coppa et échoue en finale de Ligue des Champions en 1984 qu’il perdit au tirs au but contre Liverpool où le gardien Grobbelaar réalisa de véritables exploits durant cette séance pour le priver d’une fin de cycle en apothéose à la Roma.

Dès 1984, c’est le retour à Milan en remplacement de Castagner pour reprendre un groupe subissant las affres d’une présidence instable et désastreuse. Jusqu’en 1987, il aura à nouveau mis en place tous les ingrédients de son jeu ambitieux, lancé les jeunes talents du centre de formation comme Maldini ou Costacurta en mettant ce groupe jeune en confiance avec son flegme caractéristique et sa philosophie de jeu assurant une certaine continuité du très bon travail de Castagner.
A son départ pour boucler par une dernière aventure de 2 ans à la Roma, il aura laissé à son successeur, Sacchi, tous les ingrédients utiles à la mise en place de sa révolution qui fut surtout une continuité poussée par de plus fortes convictions, plus de soutien (Berlusconi ayant repris le club), plus de moyens et un groupe à parfaite maturité.

Durant sa carrière, il aura tout de même participé à la formation de Sacchi en tant que coach lorsque ce dernier coachait Parme en Serie B, il aura été le mentor de Carletto et Cappelo aura aussi fait appel à lui lorsqu’il a repris la Roma pour recevoir les conseils de ce classieux maître de l’ombre.

Après cette riche carrière footballistique tant en tant que joueur qu’en tant que coach, il s’est installé dans le Piémont pour se reconvertir dans les vignobles avec toujours le même perfectionnisme qui le caractérisait tant pour réussir à produire des crus classés.
Lui qui lorsqu’il a rejoint la Botte en 1949 rassurait son père en lui annonçant qu’au bout de quelques mois il retournerait en Suède, il aura finalement passé le restant de ses jours sans quitter sa terre d’adoption qu’il aimait tant jusqu’à son décès en 2007.

Pour finir et comprendre combien il a toujours poursuivi un idéal de jeu qu’il n’aurait jamais fait passer derrière la culture froide du résultat, il avait énoncé cette phrase: « Entraîneur de football c’est le plus beau métier du monde, dommage qu’il y aient des matchs» :heart_eyes:

Voila, il me tenait à cœur de mettre un peu en lumière Liedholm en tant que coach qui aura fait parti de cette poignée de révolutionnaires du jeu ayant mis fin au catenaccio, intégré une nouvelle manière de concevoir le jeu/travailler dans un Calcio toujours très conservateur et mis en place tous les ingrédients menant à la révolution Sacchi et participé à la domination du football italien dans les années 90’ par son travail en amont :heart:

P.S: n’hésitez pas à me dire si vous souhaitez que je fasse un post sur Radice qui n’aura certes pas fait une grande carrière de coach chez nous mais qui fut un instigateur de la révolution culturelle du football italien à la fin des années 70’, débuts 80’ notamment avec sa fantastique épopée au Torino ou encore sur Nereo Rocco, celui qui nous aura amené nos 2 premières C1?
Pareil, je suis aussi ouvert à toute suggestion qui pourrait me permettre d’améliorer ces exposés?

7 « J'aime »